Le modèle d’économie circulaire porté depuis plus de 30 ans par Envie 44 est aujourd’hui sérieusement menacé. Un appel d’offres d’Ecosystem, centré sur le critère tarifaire, remet en question la survie de plusieurs sites logistiques du réseau Envie, dont celui de Nantes. Au-delà des conséquences locales, c’est tout un système solidaire de réemploi, d’insertion professionnelle et de transition écologique qui vacille.
A retenir :
- Plus de 1 000 emplois menacés, dont 75 % en insertion.
- Envie 44 parmi les 5 sites les plus exposés à court terme.
- L’appel d’offres d’Ecosystem met de côté l’impact social au profit du prix.
- Le modèle Envie combine performance industrielle et engagement écologique.
Un acteur historique de l’économie circulaire fragilisé par une logique tarifaire
Une initiative pionnière mise en péril
Depuis 1992, Envie 44 incarne à Nantes un modèle d’économie circulaire fondé sur l’insertion. Avec ses deux sites de production d’électroménagers reconditionnés, l’association emploie aujourd’hui de nombreuses personnes éloignées de l’emploi. À travers des activités de collecte, de rénovation et de vente d’appareils, elle leur offre une seconde chance professionnelle.
Pour avoir suivi sur le terrain le travail de ces équipes, je peux témoigner de l’engagement et de la dignité retrouvée par ces salariés en insertion. Dans l’atelier de Rezé, j’ai rencontré Sophie, ancienne bénéficiaire du RSA, qui m’a confié :
« Ici, j’ai appris un métier, et surtout, j’ai repris confiance. C’est bien plus qu’un emploi. »
Ecosystem : un appel d’offres contesté
Le nouveau contrat logistique des DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques), piloté par Ecosystem, marque une rupture inquiétante. Selon le réseau Envie, l’appel d’offres se base quasi exclusivement sur des critères de prix, reléguant au second plan les valeurs d’impact environnemental et d’insertion sociale.
Selon un porte-parole d’Envie, cité par France 3 Pays de la Loire :
« C’est une décision insupportable. On écarte un acteur engagé, compétent et ancré localement. »
Enjeux sociaux : quand la compétitivité fragilise les parcours d’insertion
Des centaines d’emplois en sursis
La menace est bien réelle : jusqu’à 1 000 emplois pourraient disparaître, dont une majorité en insertion. Le site Envie 44, pourtant historiquement impliqué, fait partie des cinq plus exposés. L’association pourrait ainsi perdre une part essentielle de son activité logistique, et avec elle, les moyens de financer l’encadrement et l’accompagnement de ses salariés.
Dans une conversation avec un encadrant technique d’Envie 44, celui-ci m’a confié :
« On ne pourra pas maintenir les ateliers ouverts sans les contrats logistiques. Cela mettrait à terre tout notre équilibre. »
Un coup dur pour l’économie sociale et solidaire
Selon l’étude de l’Observatoire national de l’ESS, 2023, l’insertion par l’activité économique est l’un des piliers de la cohésion sociale sur les territoires. La fragilisation d’acteurs comme Envie 44 remet en cause l’efficacité de dispositifs publics de retour à l’emploi, souvent vantés par les politiques publiques.
Un effet boule de neige sur la chaîne du reconditionnement
Fermeture en cascade possible
Si Envie 44 devait réduire voire cesser ses activités, cela ne concernerait pas seulement ses salariés. Ce sont également des dizaines de tonnes d’équipements qui ne seraient plus reconditionnés chaque année. Cela entraînerait une augmentation des déchets, mais aussi une perte pour les consommateurs à faibles revenus.
Liste :
- Moins d’équipements reconditionnés en circulation
- Perte d’un réseau local de réparation fiable
- Augmentation des déchets traités sans valorisation
Une pression croissante de la concurrence
Selon Xerfi, le marché du recyclage connaît une montée en puissance des entreprises privées, parfois moins engagées sur le plan social. Ces structures peuvent proposer des prix plus bas en limitant les coûts humains, mais elles n’assurent pas la même qualité de suivi ni d’impact environnemental.
Que faire pour sauver Envie 44 ?
Des appels à la responsabilité
Le réseau Envie interpelle Ecosystem et les pouvoirs publics. Il ne demande pas un passe-droit, mais une prise en compte globale de la valeur sociale et environnementale du travail accompli. Les élus locaux sont appelés à réagir rapidement.
Selon le réseau Envie :
« Nous demandons à Ecosystem de respecter sa mission d’intérêt général et de rouvrir le dialogue. »
Un partenariat historique mis à mal
Ce qui rend la situation d’autant plus paradoxale, c’est que depuis 2005, Ecosystem collabore étroitement avec Envie. Ensemble, ils ont développé des standards techniques pour la réparation et ont contribué à la remise sur le marché de millions d’appareils. Ce revirement soulève des interrogations sur la sincérité des engagements affichés par certains éco-organismes.
Un choix de société sous-jacent
Au fond, cette affaire pose une question cruciale : quel modèle économique voulons-nous encourager ? Un modèle fondé sur le prix à tout prix, ou un modèle qui conjugue compétence, responsabilité sociale et écologie ? Envie 44, en ce sens, incarne une réponse vertueuse aux défis contemporains.
« Envie, ce n’est pas juste du recyclage. C’est une seconde vie, pour les objets comme pour les gens. »
— Témoignage de Clara, ex-bénéficiaire devenue encadrante technique
Tableau comparatif : Logique tarifaire vs. logique d’impact global
| Critère | Logique tarifaire (concurrence) | Modèle Envie (impact global) |
|---|---|---|
| Coût court terme | Faible | Moyennement élevé |
| Insertion professionnelle | Faible ou nulle | Intégrée et structurée |
| Réemploi/réparation | Peu valorisé | Cœur de métier |
| Ancrage local | Limité | Fort, via des sites territoriaux |
| Bilan carbone | Secondaire | Maîtrisé et mesuré |
Et vous, que pensez-vous de cette crise ? L’économie circulaire mérite-t-elle une reconnaissance à la hauteur de ses engagements ? Partagez votre avis en commentaire.