Hellfest, la Gardienne des Ténèbres à Clisson mais sans subvention

By Erwan

Le Hellfest, rendez-vous incontournable des musiques extrêmes en Europe, a frappé fort en 2024 avec la présentation d’un projet hors normes : la Gardienne des Ténèbres, une œuvre mécanique spectaculaire installée sur le site du festival à Clisson. Mais derrière l’émerveillement artistique, une réalité plus amère : ce projet, estimé à 12,5 millions d’euros dans sa version complète, n’a reçu aucune subvention publique, malgré les demandes répétées de ses organisateurs.

A retenir :

  • Une œuvre monumentale financée intégralement par Hellfest Productions
  • Aucune aide accordée par Clisson ni les institutions locales
  • Un projet artistique au cœur d’un conflit politique et budgétaire
  • La Gardienne incarne l’ambition d’un Hellfest culturel permanent

Une sculpture fantastique qui dépasse l’événementiel

Un monstre d’acier et de feu, né d’une vision artistique puissante

La Gardienne des Ténèbres – surnommée Lilith – n’est pas une simple attraction. Elle incarne le croisement entre spectacle vivant et art mécanique. Conçue par La Machine, la célèbre compagnie nantaise fondée par François Delarozière, la créature est le fruit d’un rêve partagé avec Ben Barbaud, directeur du Hellfest, lors d’une rencontre organisée par Johanna Rolland, maire de Nantes, en 2019.

A lire également :  Derniers pass quatre jours Hellfest 2024 vendus

Haute de 11 mètres, articulée sur huit pattes métalliques, capable de cracher feu, eau et fumée, Lilith incarne le passage entre notre monde et les Enfers. Selon La Machine, cette chimère « mi-femme, mi-scorpion » est aussi le symbole d’un pont entre art et musique. Elle a nécessité deux ans de travail intensif et une minutie rare dans la construction. Elle transporte jusqu’à 25 personnes à son bord, évolue dans l’univers sombre et théâtral du Hellfest, et se déploie chaque soir sur le site.

“C’est une œuvre qui t’arrache de la réalité. J’ai ressenti la même émotion qu’au premier concert de Maiden en 2008.”
Témoignage d’Éric, festivalier fidèle du Hellfest depuis plus de 10 ans

Une première apparition en 2024 saluée par le public

Présentée officiellement lors de l’édition 2024, la Gardienne est rapidement devenue l’emblème du festival. Déambulant de 22h à minuit entre l’entrée et le Kingdom of Muscadet, elle a provoqué une onde de fascination chez les spectateurs.

Selon Ouest-France, certains festivaliers ont estimé que « les images sur les réseaux ne rendent pas hommage à l’intensité du spectacle ». Une remarque que j’ai moi-même pu vérifier sur place. En tant que journaliste, je me suis retrouvé happé, littéralement absorbé par la chorégraphie métallique de la bête, sur fond de hurlements de guitares.

Un projet plus vaste stoppé net par les refus des collectivités

Des ambitions urbaines, mais un financement refusé

Si la Gardienne elle-même a coûté 3,8 millions d’euros entièrement financés par Hellfest Productions, le projet global prévoyait bien plus : un parvis piéton réaménagé, une Porte des Ténèbres, une brasserie, une aire de jeux, et une intégration permanente de Lilith au paysage de Clisson. Coût total envisagé : 12,5 millions d’euros.

A lire également :  Hellfest : programmation 2025, les 3 premiers groupes

Pour couvrir ces investissements, le Hellfest a demandé :

  • 3 millions d’euros au Département de Loire-Atlantique
  • 3 millions à la Région Pays de la Loire
  • 500 000 euros à la ville de Clisson
  • 500 000 euros à Clisson Sèvre et Maine Agglo

Mais tous ont dit non. En novembre 2023, Clisson a été la première à refuser. Puis, en décembre, le Département a confirmé son rejet, invoquant la fin de la taxe d’habitation et l’absence de priorité pour ce type de projet.

“Le Département ne peut pas soutenir un projet aussi coûteux pour un événement privé, même s’il est populaire.”
Déclaration officielle reprise par Médiacités, décembre 2023

Un bras de fer politique qui ne date pas d’hier

Selon le site RCA, les tensions remontent à 2016, lorsque la Région Pays de la Loire a supprimé sa subvention annuelle de 20 000 euros à cause d’un incident impliquant le chanteur Phil Anselmo du groupe Down. L’accusation : un salut nazi sur scène.

À l’époque, Laurence Garnier, alors vice-présidente en charge de la culture, avait estimé qu’un tel comportement n’était pas compatible avec un financement public. Ben Barbaud avait assumé : « On ne changera pas notre ligne artistique pour quelques euros ».

Le Hellfest : entre indépendance revendiquée et besoin de reconnaissance

Un modèle économique unique en France

Avec plus de 60 000 spectateurs par jour et un impact économique local de 25 millions d’euros, le Hellfest ne dépend pas des aides publiques. Les billets pour l’édition 2024 ont été vendus en quelques minutes, à 329 € pour quatre jours, sans même que la programmation soit annoncée. Cette fidélité du public assure une solidité financière rare dans le secteur culturel.

A lire également :  Hellfest, le festival pourrait déménager : pression ou réalité ?

Selon Tematis, cela fait du Hellfest un OVNI : un festival majeur sans subventions. En 2024, l’absence de soutien n’a pas freiné la création de Lilith, preuve que l’événement peut assumer seul ses ambitions.

“C’est un pari risqué, mais nous voulons créer quelque chose qui survive au-delà du festival.”
Retour d’expérience d’un membre de l’équipe artistique du Hellfest

Une vision durable mais menacée

L’objectif initial était de faire revenir la Gardienne chaque année, et surtout de l’installer en permanence sur le site pour devenir un pôle culturel à visiter hors festival. Mais sans les aménagements urbains financés, cette ambition pourrait rester un mirage.

À la manière des Machines de l’île à Nantes, Lilith aurait pu devenir un totem touristique pérenne, attirant visiteurs et familles toute l’année. Mais pour cela, les infrastructures sont indispensables.

Éléments du projetRéalisésEn attente de financement
Création de LilithOui (3,8 M€)
Parvis piétonNon4 M€
Aire de jeux et brasserieNon2 M€
Réseaux et infrastructuresNon2,7 M€

Un symbole de liberté artistique face aux institutions

Entre passion populaire et méfiance institutionnelle

La Gardienne des Ténèbres reflète une dualité frappante : un engouement populaire massif, mais une frilosité politique persistante. Pourquoi ce rejet ? Peut-être par crainte de soutenir un univers artistique jugé “sulfureux”. Peut-être aussi par simple logique budgétaire, dans un climat de réduction des dépenses.

Mais dans un pays où les festivals peinent à survivre, ce refus interroge : que vaut la culture indépendante si elle n’est pas accompagnée ?

Selon Mediacités, la question reste entière : « Le Hellfest incarne-t-il une contre-culture trop forte pour les institutions ? »

« La Gardienne n’a pas besoin de subventions pour exister. Elle est née de notre feu intérieur. »
Citation issue du site officiel de La Machine

Et vous, pensez-vous que les collectivités locales auraient dû soutenir un projet culturel aussi emblématique ? Laissez-nous votre avis en commentaire !

Laisser un commentaire