Quelle est la phrase française la plus longue ?

By Erwan

Déterminer la phrase française la plus longue est un exercice délicat, car il dépend de plusieurs critères : définition de la phrase, texte analysé, et méthode de comptage. Ce débat touche aux fondements mêmes de la syntaxe et de l’expression littéraire, soulignant l’ingéniosité et la complexité de la langue française.

Définition de la phrase : une perspective grammaticale

La première question à se poser est : qu’est-ce qu’une phrase ? Selon les linguistes, une phrase est une unité syntaxique composée de mots, articulée autour d’un verbe, et délimitée par des majuscules et des points. Cette définition simple en apparence se complique lorsqu’on considère les phrases longues, souvent constituées de propositions subordonnées, d’incises, et de multiples virgules.

Faut-il considérer une phrase isolée, ou un paragraphe entier ? Cette question est cruciale pour déterminer la phrase la plus longue.

La phrase la plus longue de Sodome et Gomorrhe : Proust a rédigé une phrase de 856 mots

Voici la phrase :

« Sans honneur que précaire, sans liberté que provisoire, jusqu’à la découverte du crime ; sans situation qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme Samson et disant comme lui : “Les deux sexes mourront chacun de son côté” ; exclus même, hors les jours de grande infortune où le plus grand nombre se rallie autour de la victime, comme les juifs autour de Dreyfus, de la sympathie – parfois de la société – de leurs semblables, auxquels ils donnent le dégoût de voir ce qu’ils sont, dépeint dans un miroir, qui ne les flattant plus, accuse toutes les tares qu’ils n’avaient pas voulu remarquer chez eux-mêmes et qui leur fait comprendre que ce qu’ils appelaient leur amour (et à quoi, en jouant sur le mot, ils avaient, par sens social, annexé tout ce que la poésie, la peinture, la musique, la chevalerie, l’ascétisme, ont pu ajouter à l’amour) découle non d’un idéal de beauté qu’ils ont élu, mais d’une maladie inguérissable ; comme les juifs encore (sauf quelques-uns qui ne veulent fréquenter que ceux de leur race, ont toujours à la bouche les mots rituels et les plaisanteries consacrées) se fuyant les uns les autres, recherchant ceux qui leur sont le plus opposés, qui ne veulent pas d’eux, pardonnant leurs rebuffades, s’enivrant de leurs complaisances ; mais aussi rassemblés à leurs pareils par l’ostracisme qui les frappe, l’opprobre où ils sont tombés, ayant fini par prendre, par une persécution semblable à celle d’Israël, les caractères physiques et moraux d’une race, parfois beaux, souvent affreux, trouvant (malgré toutes les moqueries dont celui qui, plus mêlé, mieux assimilé à la race adverse, est relativement, en apparence, le moins inverti, accable celui qui l’est demeuré davantage), une détente dans la fréquentation de leurs semblables, et même un appui dans leur existence, si bien que, tout en niant qu’ils soient une race (dont le nom est la plus grande injure), ceux qui parviennent à cacher qu’ils en sont, ils les démasquent volontiers, moins pour leur nuire, ce qu’ils ne détestent pas, que pour s’excuser, et allant chercher comme un médecin l’appendicite l’inversion jusque dans l’histoire, ayant plaisir à rappeler que Socrate était l’un d’eux, comme les Israélites disent de Jésus, sans songer qu’il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme, pas d’anti-chrétiens avant le Christ, que l’opprobre seul fait le crime, parce qu’il n’a laissé subsister que ceux qui étaient réfractaires à toute prédication, à tout exemple, à tout châtiment, en vertu d’une disposition innée tellement spéciale qu’elle répugne plus aux autres hommes (encore qu’elle puisse s’accompagner de hautes qualités morales) que de certains vices qui y contredisent comme le vol, la cruauté, la mauvaise foi, mieux compris, donc plus excusés du commun des hommes ; formant une franc-maçonnerie bien plus étendue, plus efficace et moins soupçonnée que celle des loges, car elle repose sur une identité de goûts, de besoins, d’habitudes, de dangers, d’apprentissage, de savoir, de trafic, de glossaire, et dans laquelle les membres mêmes, qui souhaitent de ne pas se connaître, aussitôt se reconnaissent à des signes naturels ou de convention, involontaires ou voulus, qui signalent un de ses semblables au mendiant dans le grand seigneur à qui il ferme la portière de sa voiture, au père dans le fiancé de sa fille, à celui qui avait voulu se guérir, se confesser, qui avait à se défendre, dans le médecin, dans le prêtre, dans l’avocat qu’il est allé trouver; tous obligés à protéger leur secret, mais ayant leur part d’un secret des autres que le reste de l’humanité ne soupçonne pas et qui fait qu’à eux les romans d’aventure les plus invraisemblables semblent vrais, car dans cette vie romanesque, anachronique, l’ambassadeur est ami du forçat : le prince, avec une certaine liberté d’allures que donne l’éducation aristocratique et qu’un petit bourgeois tremblant n’aurait pas en sortant de chez la duchesse, s’en va conférer avec l’apache ; partie réprouvée de la collectivité humaine, mais partie importante, soupçonnée là où elle n’est pas, étalée, insolente, impunie là où elle n’est pas devinée; comptant des adhérents partout, dans le peuple, dans l’armée, dans le temple, au bagne, sur le trône; vivant enfin, du moins un grand nombre, dans l’intimité caressante et dangereuse avec les hommes de l’autre race, les provoquant, jouant avec eux à parler de son vice comme s’il n’était pas sien, jeu qui est rendu facile par l’aveuglement ou la fausseté des autres, jeu qui peut se prolonger des années jusqu’au jour du scandale où ces dompteurs sont dévorés ; jusque-là obligés de cacher leur vie, de détourner leurs regards d’où ils voudraient se fixer, de les fixer sur ce dont ils voudraient se détourner, de changer le genre de bien des adjectifs dans leur vocabulaire, contrainte sociale, légère auprès de la contrainte intérieure que leur vice, ou ce qu’on nomme improprement ainsi, leur impose non plus à l’égard des autres mais d’eux-mêmes, et de façon qu’à eux-mêmes il ne leur paraisse pas un vice. »

Texte analysé : littérature, droit et technique

Le corpus à analyser est également déterminant. Si la littérature regorge de phrases complexes et ornées, les textes juridiques et techniques ne sont pas en reste. Par exemple, les textes de lois ou les documents techniques peuvent contenir des phrases interminables, destinées à couvrir tous les aspects d’une question donnée.

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Cependant, pour cette exploration, concentrons-nous sur la littérature française, où l’art de la phrase longue atteint son apogée.

Méthode de comptage : mots, propositions, ou caractères ?

La longueur d’une phrase peut se mesurer de plusieurs façons : par le nombre de mots, de propositions, ou de caractères. Dans cet article, nous adopterons le critère du nombre de mots, car il offre une mesure plus intuitive et accessible.

Marcel Proust : le maître incontesté des phrases longues

Marcel Proust est souvent cité comme l’auteur de la phrase la plus longue de la littérature française. Dans le tome V de son œuvre monumentale, À la recherche du temps perdu, intitulé Sodome et Gomorrhe, Proust a rédigé une phrase de 856 mots. Cette phrase s’articule autour d’une réflexion complexe sur les « invertis », terme utilisé à l’époque pour désigner les homosexuels.

Voici un extrait de cette phrase remarquable :

« Sans honneur que précaire, sans liberté que provisoire, jusqu’à la découverte du crime ; sans situation qu’instable, comme pour le poète la veille fêté dans tous les salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête… »

Cette phrase illustre bien le style de Proust, connu pour ses phrases longues et détaillées, qui plongent le lecteur dans une réflexion profonde et nuancée. Selon les spécialistes, cette phrase est un exemple éclatant de la capacité de Proust à capturer la complexité des émotions humaines et des relations sociales à travers une syntaxe élaborée.

Victor Hugo : le challenger

Victor Hugo, un autre géant de la littérature française, est également célèbre pour ses phrases longues. Dans Les Misérables, on trouve une phrase de 823 mots décrivant la bataille de Waterloo. Bien que plus courte que celle de Proust, cette phrase reste un tour de force littéraire.

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Voici un extrait de cette phrase :

« La plaine de Mont-Saint-Jean, obstruée de débris d’armées en déroute, se prolongeait tout enveloppée d’ombre et de frayeur jusqu’aux bois qui bornent l’horizon du côté de Braine-l’Alleud… »

Hugo utilise cette phrase pour créer une atmosphère immersive, transportant le lecteur au cœur de la bataille avec une précision et une vivacité saisissantes.

Impacts et conséquences des phrases longues

L’usage de phrases longues a des conséquences notables sur la lisibilité et la clarté d’un texte. Si elles peuvent enrichir la narration et offrir une profondeur inégalée, elles peuvent aussi rendre la lecture plus ardue. Les phrases longues exigent une attention soutenue et une capacité à suivre des idées complexes sur de longues distances textuelles.

En outre, elles peuvent provoquer une certaine fatigue cognitive, nuisant à la compréhension globale du texte.

Solutions et initiatives pour une meilleure lisibilité

Pour améliorer la lisibilité et l’accessibilité des textes, plusieurs solutions peuvent être envisagées :

  • Segmenter les phrases longues : découper les phrases en segments plus courts peut faciliter la compréhension sans sacrifier la richesse du contenu.
  • Utiliser des connecteurs logiques : des mots comme « donc », « mais », « cependant » peuvent aider à structurer le texte et à guider le lecteur à travers des idées complexes.
  • Varier les longueurs de phrases : alterner entre des phrases courtes et longues peut maintenir l’intérêt du lecteur et rendre le texte plus dynamique.

En conclusion, déterminer la phrase française la plus longue reste un défi, tant les critères de mesure sont variés et subjectifs. Cependant, les contributions de Marcel Proust et Victor Hugo offrent des exemples éclatants de l’utilisation magistrale de la phrase longue dans la littérature française. Bien que ces phrases soient impressionnantes par leur longueur et leur complexité, elles rappellent également l’importance de l’équilibre entre richesse stylistique et clarté.

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Que pensez-vous des phrases longues en littérature ? Préférez-vous des textes plus concis ou appréciez-vous la profondeur qu’apportent les phrases élaborées ? Partagez votre avis dans les commentaires !

FAQ

Quelle est la phrase française la plus longue ?

La phrase française la plus longue est attribuée à Marcel Proust, avec une phrase de 856 mots tirée de Sodome et Gomorrhe, tome V de À la recherche du temps perdu.

Pourquoi les phrases longues sont-elles utilisées en littérature ?

Les phrases longues permettent aux auteurs d’explorer des idées complexes et de créer une immersion profonde dans leurs récits. Elles peuvent capturer la fluidité de la pensée et la richesse des émotions humaines.

Comment améliorer la lisibilité des phrases longues ?

Pour améliorer la lisibilité, il est conseillé de segmenter les phrases longues en parties plus courtes, d’utiliser des connecteurs logiques et de varier les longueurs de phrases pour maintenir l’intérêt du lecteur.

Tableau récapitulatif

AuteurŒuvreLongueur de la phrase
Marcel ProustSodome et Gomorrhe (tome V)856 mots
Victor HugoLes Misérables823 mots

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